"Trois à huit nouveaux cas de lèpre par an en Polynésie" 


Teiki a attrapé la lèpre à l'âge de sept ans.
TAHITI, le 22 janvier 2020 - Les traitements efficaces existent, mais la lèpre perdure. L’année dernière, cinq Polynésiens ont été diagnostiqués comme porteurs de la maladie et soignés. Ce week-end a lieu la Journée mondiale des lépreux, l’occasion de comprendre pourquoi cette maladie concerne toujours la Polynésie. A l'occasion de la Journée mondiale des lépreux, l’Ordre de Malte se mobilise tout au long du week-end du 25 et 26 janvier afin de recueillir des fonds pour cette maladie qui sévit toujours en Polynésie.

En 2019, cinq nouveaux cas de lèpre ont été déclarés au fenua. Selon le Docteur Lam Nguyen, responsable du centre de consultation spécialisé en maladies infectieuses et tropicales, “il y a environ trois à huit nouveaux cas de lèpre par an en Polynésie”. L’Ordre de Malte précise que onze patients étaient traités en 2019. Cette maladie bactérienne, dont on pourrait croire qu’elle appartient au passé, a été contractée par plus de 200 000 personnes dans le monde en 2018. Aucun vaccin n’a été découvert, mais des thérapies efficaces existent, et les malades peuvent être parfaitement soignés si le traitement est administré assez tôt. Cette maladie n’est pas totalement éradiquée en Polynésie. D'une part elle est contagieuse, il suffit de respirer le même air qu’une personne contaminée pour risquer de l’être à son tour. D'autre part, le temps d’incubation est particulièrement long, jusqu’à plusieurs années. Une personne atteinte peut donc l’ignorer et contaminer son entourage sans s’en douter une seconde. Une fois la maladie détectée et le traitement administré, le patient n'est plus contagieux.


Quatre lépreux à Orofara

Atteinte de la lèpre quand elle avait 19 ans, Agnès vit toujours à Orofara.
La dernière léproserie de Polynésie, dans la vallée de Orofara à Mahina, a fermé officiellement en 1976. Quatre anciens malades y vivent toujours, et ce depuis plus de 60 ans, même s’ils ne présentent plus de risque de contagion. Et les rares cas encore décelés sont dorénavant soignés suffisamment tôt pour éviter que leur corps ne soit “dévoré” par le mal, comme celui de Teiki, ce Marquisien qui vit à Orofara depuis les années 1950, et continue à sculpter le bois malgré son handicap.

Docteur Lam Nguyen, médecin de la direction de la Santé, responsable du centre de consultation spécialisé en maladies infectieuses et tropicales,
Membre de l’Ordre de Malte.

“C’est une maladie qui se soigne très bien ”

Quand la lèpre est-elle arrivée en Polynésie ?
“On pense que la lèpre est arrivée bien avant la venue des Européens. Il est très possible qu’elle ait été introduite avec les migrations successives des Austronésiens, car il existait déjà dans les langues polynésiennes des mots pour désigner cette maladie.”

Comment la lèpre s’attrape-t-elle ?
“En général, la lèpre s'attrape au contact de personnes qui présentent une forme contagieuse de la maladie, quand on respire l’air qu’elles expirent ou quand elles éternuent, toussent. Si vous êtes dans leur entourage proche, vous allez respirer cet air-là et la bactérie va rentrer dans votre organisme et va se localiser au niveau des nerfs périphériques, puis la maladie va se développer (…). La lèpre est une maladie bactérienne, elle peut s’attraper plusieurs fois.”

Quels sont les symptômes de la lèpre ?
“La lèpre est une maladie neurologique, dont les premiers signes sont cutanés. Ce sont des tâches en général dépigmentées sur des peaux ‘normales’ ou rougeâtres sur des peaux plus foncées. Si vous avez une tâche qui ne gratte pas et qui est insensible à la chaleur ou au froid, il faut consulter un médecin.
Parfois, il peut y avoir des manifestations sur le visage aussi, on parle alors de facies léonin, (du lion). A l’heure actuelle, on ne peut pas diagnostiquer la lèpre avec une prise de sang.”

La lèpre se soigne-t-elle ?
“Le traitement de la lèpre a été découvert assez tardivement avec la première molécule efficace : la dapsone. Ensuite, il y a eu la découverte de la rifampicine dans les années 60, il y avait alors les deux piliers principaux du traitement de la lèpre.
Désormais, avec le développement de la polychimiothérapie dans les années 70, 80, on a de quoi guérir les personnes et sans séquelles à condition de les prendre en charge tôt. C’est une maladie qui se soigne très bien. Selon la forme de la maladie, le traitement peut être administré soit en une seule dose, soit sur une durée plus longue (…). Il n’existe pas de vaccin.”  

Quand la léproserie de Orofara a-t-elle fermée ses portes en Polynésie ?
“Si mes souvenirs sont bons, autrefois il y avait trois léproseries en Polynésie. Une à Reao dans les Tuamotu, une à Motu Uta qui a été remplacée ensuite par celle de Orofara. La léproserie de Orofara a officiellement fermée ses portes en 1976, car on s’est aperçu qu’une fois qu’on avait les traitements, les personnes n’étaient plus contagieuses. Cela ne servait alors plus à rien de les isoler, de les stigmatiser. Les patients de Orofara, qui avaient des séquelles et qui nécessitaient encore des soins, ont continué à être suivis dans le village par l’Institut Louis Malardé.”

Quelle est la situation actuelle de la lèpre en Polynésie ?
“La lèpre n’a toujours pas disparu en Polynésie, elle continue de sévir. Il y a environ trois à huit nouveaux cas de lèpre par an en Polynésie. En 2019, on a recensé cinq nouveaux cas que l’on a traités, dont deux enfants en bas âge dans une même famille. Les enfants ont sans doute étaient contaminés par leur père. Par contre, on ne sait pas comment et par qui, le père a été contaminé. Le problème de cette maladie est que le temps d’incubation est très long, il peut être de l’ordre de plusieurs mois à plusieurs années. L’enquête épidémiologique est donc très compliquée, voire impossible à réaliser. Concernant le père de famille, on a fait un dépistage très rapide dans l’entourage et c’est comme cela que l’on a trouvé les deux cas de lèpre chez les enfants. Une fois traitées, les personnes ne sont plus contagieuses”.

Existe-t-il encore beaucoup de cas de lèpre dans le monde ?
“Globalement, la prévalence mondiale de la lèpre a beaucoup baissé au cours de ces dix dernières années (… ). Toutefois, une dizaine de pays concentrent à eux seuls, 90 à 95% des cas de lèpre dans le monde. L’Inde, le Brésil ont beaucoup de cas. Il y a eu 209 000 nouveaux cas déclarés de lèpre en 2018.”


“Aux Marquises, les lépreux étaient complètement rejetés”

La léproserie de Orofara a officiellement été fermée en 1976. Si le village est désormais devenu un village comme les autres, plusieurs habitants sont encore les témoins directs de son passé d’asile des lépreux de la Polynésie française en 1914.
Teiki vit ici dans une petite maisonnette très modeste du village. Originaire des Marquises, Teiki a attrapé la lèpre quand il avait sept ans. Avec le développement de la maladie, Teiki est arrivé quelques années plus tard à Orofara pour se faire soigner. “Les lépreux étaient complètement rejetés aux Marquises, moi je n’avais pas de symptômes au début, donc cela allait, puis je dû partir à Tahiti pour me faire soigner quand j’étais plus grand avec mon frère, atteint lui aussi. Quand on est arrivé dans les années 50, il y avait une centaine de lépreux”, confie l’homme, désormais âgé de 77 ans.
Et cela fait plus de 60 ans que Teiki vit dans ce petit village, niché dans la vallée de Orofara. Teiki s’y est même marié avec Céline, atteinte, elle aussi, de cette maladie dans sa jeunesse. Malgré ses doigts “dévorés” par la maladie, Teiki a choisi de devenir sculpteur. “Ce n’était pas facile, mais j’ai voulu aller au-delà de mon handicap”, explique le vieillard qui continue, à ses heures perdues, à sculpter le bois.
Outre le couple, deux autres femmes âgées, autrefois malades de la lèpre, vivent encore dans le village où elles se sont faits soigner quand elles étaient jeunes.

Les quêtes de l'Ordre de Malte :

Samedi 25 janvier :
- U VENUSTAR MAHINA
- Hyper U PIRAE
- Toa Faa'a
- U FAAA
- U WEEK END
- U TAMANU

Dimanche 26 janvier 7 heures : 
Messe à St Lazare - Orofara, célébrée par le Père Joël Aumeran et petit déjeuner offert par l'Ordre de Malte France et partagé avec les anciens malades et paroissiens.

Rédigé par Pauline Stasi le Mardi 21 Janvier 2020 à 16:44 | Lu 3075 fois